Depuis quelques années, des considérations sur la formation scientifique à Genève ont émergé lors de consultations des enseignants du Collège de Genève. Ces considérations sont issues des discussions dans les groupes de discipline et concernent les problèmes communs rencontrés par les enseignants et les élèves dans la formation de base en physique et en mathématiques. De manière indépendante, les mêmes préoccupations sont présentes au sein des facultés scientifiques de différentes universités. Les préoccupations communes ont été synthétisées dans une lettre envoyée au président de la CPG de physique en mai 2018. Une présentation d’information pour les élèves a été produite à partir de 2020, avec le but de mieux les orienter (voir onglet «Documents» ci-dessous).
Historique et généralités
Recherche en didactique
Recommandations
Documents
Avant 1998, tous les élèves genevois à «profil» scientifique bénéficiaient d’une formation en physique (y compris les laboratoires) de 2-2-3-5 heures en 1ère, 2ème, 3ème et 4ème année respectivement. Quant aux sections à «profil» strictement non scientifique (artistique, latine, classique et moderne), la physique y était dispensée aux élèves en 3ème (2h) et 4ème année (3h). Dans toutes les sections, les heures de physique étaient donc surtout (ou exclusivement, dans les sections non scientifiques) placées en fin de cursus gymnasial, comme c’est aussi et toujours le cas dans d’autres cantons.
Cela s’explique par le fait que, contrairement aux autres sciences expérimentales, la physique est une branche qui dépend naturellement de concepts mathématiques clés qui ne sont développés qu’à partir de la 3ème année : par exemple la dérivation, l’intégration ou l’étude de fonctions (voir l’onglet «Recherche en didactique» ci-dessus pour des explications plus approfondies).
Actuellement, dans la maturité genevoise l’apprentissage transversal consistant à savoir sortir de la simple application de la «règle» apprise au cours de mathématiques pour la contextualiser dans le cadre du cours de physique n’est pas mis en valeur : les mathématiques et la physique «discipline fondamentale» (DF – dispensé aux élèves qui ne choisissent pas l’option spécifique «physique – applications mathématiques») sont enseignées de manière déconnectée et incohérente pour la majorité des élèves genevois (environ 90%). Il est pourtant fondamental pour un apprentissage solide des compétences de base en mathématiques, propédeutiques aux études scientifiques.
En effet, depuis 1998, avec l'introduction du système à options :
- L’enseignement de la physique DF concerne la majorité des élèves à profil scientifique (comme les élèves qui choisissent l’option spécifique «biologie – chimie»), tout comme la possibilité de n’effectuer les mathématiques qu’au niveau 1.
- L’enseignement de la physique DF, y compris les laboratoires, a été déplacé aux premières années, à raison de 1-2-2 heures (en 1ère, 2ème et 3ème année) jusqu’à la rentrée 2021 puis, partir de la rentrée 2021, l’heure en 1ère a été déplacée et 2ème : 0-3-2-0. Ces élèves n’ont pas de physique et applications mathématiques, voire de sciences, en 4ème année.
- Seulement l’enseignement de l’option spécifique «physique – applications mathématiques» – concernant une petite minorité d'élèves – garde la structure «logique» avec des heures consacrées à l'interaction de ces branches en fin de cursus, tout en étant liée au choix du niveau 2 en mathématiques.
Par ailleurs, les enseignants de physique ont dénoncé l'impossibilité de respecter le plan d'étude et le niveau des exigences en physique DF(1), car les élèves ne disposent pas des compétences mathématiques suffisantes dans ces degrés-là pour parcourir les chapitres requis par une formation de base en physique et applications mathématiques, incluant des contenus basiques comme le mouvement circulaire (vecteurs), des notions sur les ondes ou le magnétisme (fonctions, trigonométrie, algèbre). Sans compter que les collégiens ayant une OS non scientifique n'ont actuellement aucune science expérimentale en 4ème année, ce qui – en sachant que les sciences occupent un pourcentage minimal dans la grille genevoise – est incohérent dans une formation généraliste, dans une société où la science et la technique sont indispensables dans tous les domaines.
La relation complexe entre la compréhension de la physique et celle des mathématiques va bien au-delà de la considération de ces dernières comme un simple outil de calcul pour la première, ou celle de la physique uniquement comme un cadre possible pour les applications des mathématiques. Ces deux disciplines ont historiquement avancé en s’appuyant l'une sur l'autre, et ainsi les progrès de l'une sont inextricablement liés à ceux de l'autre [Karam, 2015]. Cette interdépendance se retrouve également dans le contexte de l’apprentissage, comme le témoignent des nombreux travaux de recherche en didactique (voir par exemple [Pospiech et al., 2019] et citations).
D'une part, depuis des décennies on sait qu’une meilleure connaissance du langage mathématique permet d'avoir un apprentissage meilleure et plus aisé des contenus de physique (voir par exemple [Thorndike, 1946], [Meltzer, 2002] ou [Karam, 2015], [Torigoe & Gladding, 2007 et 2011], [Pepper et al., 2012], [Uhden et al., 2012], [Wilcox et al., 2013], [Bollen et al., 2015]).
D'autre part, l'application des notions mathématiques à différents contextes de la physique donne la possibilité aux élèves de comprendre plus profondément la signification abstraite des équations et du symbolisme, amenant à une meilleure maîtrise des notions mathématiques sous-jacentes appliquées, et déclenchant un cercle vertueux, bénéfique à l’apprentissage des deux disciplines. Comme le dit Sherin (2001) “(…) successful students learn to understand what equations say in a fundamental sense; they have a feel for expressions, and this guides their work. More specifically, students learn to understand physics equations in terms of a vocabulary of elements that I call symbolic forms. Each symbolic form associates a simple conceptual schema with a pattern of symbols in an equation. (…) Physics expertise involves this more flexible and generative understanding of equations ”(2). En effet, contrairement au langage mathématique pur et sans application, les expressions utilisées en physique prennent des significations «substantielles» : ici les symboles correspondent à des grandeurs physiques, ont des unités, et les équations traduisent des relations conceptuelles entre ces grandeurs «substantielles» [Tuminaro & Redish, 2007]. Donner une signification physique aux symboles, y associer des unités et savoir utiliser les différentes significations du langage mathématique abstrait en les appliquant à la nature demande un effort dans le cours de physique. En même temps, cela ouvre la capacité d'abstraction et la généralisation qui caractérise le langage mathématique appliqué à la nature et permet une compréhension plus approfondie des relations entre les quantités et des mécanismes sous-jacents.
Cet apprentissage transversal consistant à savoir sortir de la simple application de la «règle» apprise au cours de mathématiques pour la contextualiser dans le cadre du cours de physique n’est actuellement pas mis en valeur dans la maturité genevoise, où les mathématiques et la physique discipline fondamentale (DF) sont enseignées de manière déconnectée et incohérente pour la majorité des élèves genevois (90%). Il est pourtant fondamental pour un apprentissage solide des compétences de base en mathématiques, propédeutiques aux études scientifiques.
Références :
- Bollen, L., Van Kampen, P. and De Cock, M. (2015). Students’difficulties with vector calculus in electrodynamics. Phys. Rev. ST Phys. Educ. Res. 11, 020129.
- Karam, R. (2015). Thematic issue: The Interplay of Physics and Mathematics: Historical, Philosophical and Pedagogical Considerations. Science and Education, 24(5-6), S. 487-748.
- Meltzer, D. E. (2002). The relationship between mathematics preparation and conceptual learning gains in physics: A possible “hidden variable” in diagnostic pretest scores, Am. J. Phys. 70, 1259.
- Pepper, R. E., Chasteen, S. V., Pollock, S. J. and Perkins, K. K. (2012). Observations on student difficulties with mathematics in upper-division electricity and magnetism, Phys. Rev. ST Phys. Educ. Res. 8, 010111.
- Pospiech, G., Michelini, M. & Eylon, B. (Eds.). (2019). Mathematics in physics education. Springer.
- Thorndike, A. (1946). Correlation between physics and mathematics grades. Schol Sci. Math. 46, 650.
- Torigoe, E. and Gladding, G. (2007). Symbols: Weapons of math destruction. AIP Conf. Proc. 951, 200.
- Torigoe, E. and Gladding, G. (2011). Connecting symbolic difficulties with failure in physics. Am. J. Phys. 79, 133.
- Uhden, O., Karam, R., Pietrocola, M. and Pospiech, G. (2012). Modelling mathematical reasoning in physics education. Sci. Educ. 21, 485.
- Wilcox, B. R., Caballero, M. D., Rehn, D. A. and Pollock, S. J.(2013). Analytic framework for students’ use of mathematics in upper-division physics. Phys. Rev. ST Phys. Educ. Res. 9, 020119.
- Sherin, B. L. (2001). How students understand physics equations. Congnition and Instruction 19(4), 479-541.
- Tuminaro & Redish (2007). Elements of a cognitive model of physics problem solving: epistemic games. Physical Review Special Topics-Physics Education Research, 3(2), 020101.
Aux autorités compétentes
À la lumière des nouveaux objectifs de la maturité fédérale et afin d’assurer une formation propédeutique scientifique cohérente, il en découle les recommandations suivantes :
- L’enseignement de la physique et celui des mathématiques devraient être coordonnés : la physique devrait être enseignée à la fin du cursus gymnasial (par exemple la mécanique devrait se faire principalement dans la même année que la dérivation).
- Tous les choix d’options ou de disciplines d’approfondissement scientifiques devraient être liés à un niveau de mathématique 2.
- Même pour les choix d’options non scientifiques, l’enseignement devrait être organisé de sorte à pouvoir parcourir le minimum des chapitres requis par une formation de base suffisante en physique (y compris le mouvement circulaire et parabolique, le champ magnétique ou les ondes), tout en intégrant les compétences transversales requises (applications mathématiques, informatiques, …). Tous les élèves devraient bénéficier d’heures de physique l’année de maturité.
Aux élèves du CO (secondaire I) devant effectuer un choix d’option spécifique
- Faire des choix cohérents avec ses objectifs de formation et le parcours envisagé.
- Etre le plus exigeants possible concernant les choix d’une formation de base.
- Si un parcours scientifique académique n’est pas exclu après la maturité, privilégier un niveau de mathématique renforcé et l’option spécifique «physique – applications mathématiques».
Formation_scientifique_2024.pdf
Aux élèves du collège devant effectuer un choix d’option complémentaire
- Etre le plus exigeants possible concernant les choix d’une formation de base.
- Si un parcours scientifique académique n’est pas exclu après la maturité et on suit un cours de physique «discipline fondamentale» privilégier l’option complémentaire physique.
- Vidéo avec les réponses aux questions les plus fréquentes concernant l'OC physique : https://youtu.be/9dG6cMT4zds
Liens utiles
- Outil d’auto-évaluation de l'EPFL :
www.epfl.ch/education/fr/cms/outil-dauto-evaluation-et-dorientation/
- Programme d'accompagnement et auto-évaluation de l'UniGE :
https://www.unige.ch/sciences/fr/futur-es-etudiant-es/cafe-s/
- Plan d’études du Collège de Genève :
www.ge.ch/document/programmes-disciplines-enseignees-dans-filiere-gymnasiale-au-college-geneve-valable-eleves-scolarises-2021
- Résultats des statistiques de la «mise à niveau» de l’EPFL en 2018 (les autres statistiques sont confidentielles) :
www.epfl.ch/education/education-and-science-outreach/wp-content/uploads/2019/10/5a7_nov18_MAN_Genoud.pdf
1. Message au président de la CPG (mai 2018)
2. Messages au DIP (rentrée 2018)
3. Message à la Société Suisse des Professeur de l’Enseignement Secondaire (juin 2021)
4. Message à la Conseillère d'Etat (juillet 2023)
5. Documents pour l’orientation des élèves
6. Interview à la RTS (2023)